GE.05-10901 (F) 020305 040305
E
Conseil économique
et social
Distr.
GÉNÉRALE
E/CN.4/2005/102/Add.1
8 février 2005
FRANÇAIS
Original: ANGLAIS
COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME
Soixante et unième session
Point 17 de l’ordre du jour provisoire
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME
Impunité
Rapport de l’experte indépendante chargée de mettre à jour l’Ensemble de principes
pour la lutte contre l’impunité, Diane Orentlicher*
Additif
Ensemble de principes actualisé pour la protection et la promotion
des droits de l’homme par la lutte contre l’impunité
* Le présent rapport a été présenté après la date limite pour permettre de tenir compte des
observations de tous les États qui ont répondu et des résultats des journées d’étude organisées
en novembre 2004.
NATIONS
UNIES
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PRÉSENTATION SYNOPTIQUE ACTUALISÉE DE L’ENSEMBLE DE PRINCIPES
POUR LA PROTECTION ET LA PROMOTION DES DROITS DE L’HOMME
PAR LA LUTTE CONTRE L’IMPUNITÉ
Préambule
Définitions
I. LUTTE CONTRE L’IMPUNITÉ: OBLIGATIONS GÉNÉRALES
Principe 1. Obligations générales pour les États de prendre des mesures efficaces de lutte contre
l’impunité
II. LE DROIT DE SAVOIR
A. Principes généraux
Principe 2. Le droit inaliénable à la vérité
Principe 3. Le devoir de mémoire
Principe 4. Le droit de savoir des victimes
Principe 5. Garanties destinées à rendre effectif le droit de savoir
B. Commissions d’enquête
Principe 6. Établissement et rôle des commissions de vérité
Principe 7. Garanties d’indépendance, d’impartialité et de compétence
Principe 8. Délimitation du mandat des commissions
Principe 9. Garanties concernant les personnes mises en cause
Principe 10. Garanties concernant les victimes et les témoins déposant en leur faveur
Principe 11. Ressources adéquates pour les commissions
Principe 12. Missions de conseil des commissions
Principe 13. Publicité des rapports des commissions
C. La préservation et l’accès aux archives permettant d’établir les violations
Principe 14. Mesures de préservation des archives
Principe 15. Mesures facilitant l’accès aux archives
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Principe 16. Coopération des services d’archives avec les tribunaux et les commissions non
judiciaires d’enquête
Principe 17. Mesures spécifiques concernant les archives à caractère nominatif
Principe 18. Mesures spécifiques relatives aux processus de rétablissement de la démocratie
et/ou de la paix ou de transition vers celles-ci
III. LE DROIT À LA JUSTICE
A. Principes généraux
Principe 19. Devoirs des États dans le domaine de l’administration de la justice
B. Répartition des compétences entre les juridictions nationales, étrangères,
internationales et internationalisées
Principe 20. Compétence des tribunaux pénaux internationaux et internationalisés
Principe 21. Mesures destinées à renforcer l’efficacité des clauses conventionnelles de
compétence universelle et internationale
C. Mesures restrictives apportées à certaines règles de droit et qui sont
justifiées par la lutte contre l’impunité
Principe 22. Nature des mesures à prendre
Principe 23. Restrictions à la prescription
Principe 24. Restrictions et autres mesures relatives à l’amnistie
Principe 25. Restrictions au droit d’asile
Principe 26. Restrictions à l’extradition/non bis in idem
Principe 27. Restrictions aux justifications pouvant être liées à l’obéissance due, à la
responsabilité hiérarchique et à la qualité officielle de l’auteur des faits
Principe 28. Restrictions aux effets des lois sur la divulgation d’informations ou sur le repentir
Principe 29. Restrictions à la compétence des tribunaux militaires
Principe 30. Restrictions au principe de l’inamovibilité des juges
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IV. LE DROIT À RÉPARATION/GARANTIES DE NON-RENOUVELLEMENT
A. Le droit à réparation
Principe 31. Droits et devoirs nés de l’obligation de réparer
Principe 32. Procédures de recours en réparation
Principe 33. Publicité des procédures de réparation
Principe 34. Champ d’application du droit à réparation
B. Garanties de non-renouvellement des violations
Principe 35. Principes généraux
Principe 36. Réforme des institutions de l’État
Principe 37. Dissolution des groupements armés paraétatiques/démobilisation et réintégration
sociale des enfants
Principe 38. Réforme des lois et des institutions contribuant à l’impunité
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ENSEMBLE DE PRINCIPES POUR LA PROTECTION ET LA PROMOTION
DES DROITS DE L’HOMME PAR LA LUTTE CONTRE L’IMPUNITÉ
Préambule
Rappelant le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme, selon lequel
la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui
révoltent la conscience de l’humanité,
Sachant que de tels actes risquent toujours de se reproduire,
Réaffirmant l’engagement pris par les États Membres à l’Article 56 de la Charte des
Nations Unies d’agir, tant conjointement que séparément, en accordant toute son importance au
développement d’une coopération internationale efficace pour atteindre les buts énoncés à
l’Article 55 de la Charte relatif au respect universel et effectif des droits de l’homme et des
libertés fondamentales pour tous,
Considérant que le devoir qu’a tout État de respecter et de faire respecter les droits de
l’homme exige que soient prises des mesures efficaces pour lutter contre l’impunité,
Sachant qu’il n’est pas de réconciliation juste et durable sans que soit apportée une réponse
effective au besoin de justice,
Sachant également que le pardon, qui peut être un facteur important de réconciliation,
suppose, en tant qu’acte privé, que soit connu de la victime ou de ses ayants droit l’auteur des
violations et que ce dernier ait reconnu les faits,
Rappelant la recommandation qui figure au paragraphe 91 de la Partie II de la Déclaration
et du Programme d’action de Vienne par laquelle la Conférence mondiale sur les droits de
l’homme (juin 1993) s’est inquiétée de l’impunité des auteurs des violations des droits de
l’homme et a encouragé les efforts que déploie la Commission des droits de l’homme pour
examiner tous les aspects de ce problème,
Ne doutant pas, en conséquence, de la nécessité d’adopter à cette fin des mesures d’ordre
national et international pour que soit conjointement assuré, dans l’intérêt des victimes de
violations des droits de l’homme, le respect effectif du droit de savoir qui implique le droit à la
vérité, du droit à la justice et du droit à réparation sans lesquels il n’est pas de remède efficace
contre les effets néfastes de l’impunité,
Conformément à la Déclaration et au Programme d’action de Vienne, les principes
suivants sont conçus comme des orientations destinées à aider les États à mettre en place des
mesures efficaces de lutte contre l’impunité.
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Définitions
A. Impunité
L’impunité se définit par l’absence, en droit ou en fait, de la mise en cause de la
responsabilité pénale des auteurs de violations, ainsi que de leur responsabilité civile,
administrative ou disciplinaire, en ce qu’ils échappent à toute enquête tendant à permettre leur
mise en accusation, leur arrestation, leur jugement et, s’ils sont reconnus coupables, leur
condamnation à des peines appropriées, y compris à réparer le préjudice subi par leurs victimes.
B. Crimes graves selon le droit international
Au sens des présents principes, l’expression «crimes graves selon le droit international»
s’entend des infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949 et à leur Protocole
additionnel de 1977 et d’autres violations du droit international humanitaire qui constituent des
crimes selon le droit international, des génocides, des crimes contre l’humanité et d’autres
violations des droits de l’homme protégés internationalement qui constituent des crimes selon le
droit international et/ou dont le droit international exige des États qu’ils les sanctionnent
pénalement, comme la torture, les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires et
l’esclavage.
C. Processus en vue du rétablissement de la démocratie et/ou
de la paix ou de la transition vers celles-ci
Au sens des présents principes, cette expression vise les situations au terme desquelles,
dans le cadre d’un processus donnant lieu à un dialogue national en faveur de la démocratie ou à
des négociations de paix pour mettre un terme à un conflit armé, un accord, quelle qu’en soit la
forme, intervient par lequel les acteurs ou parties concernés s’entendent pour prendre, à cette
occasion, des mesures contre l’impunité et le renouvellement des violations des droits de
l’homme.
D. Commissions de vérité
Au sens des présents principes, l’expression «commissions de vérité» désigne des organes
officiels, temporaires et non judiciaires chargés d’établir les faits, qui enquêtent sur un ensemble
d’atteintes aux droits de l’homme ou au droit humanitaire généralement commis au cours d’un
certain nombre d’années.
E. Archives
Au sens des présents principes, le terme «archives» s’entend des collections de documents
relatifs à des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire provenant de sources telles
que: a) les organismes publics nationaux, en particulier ceux ayant joué un rôle important
relativement aux violations des droits de l’homme; b) les services locaux, comme les postes de
police qui ont été mêlés à des violations de droits de l’homme; c) les administrations publiques,
dont le ministère public et le système judiciaire, ayant mission de protéger les droits de l’homme;
et d) le matériel recueilli par les commissions de vérité et d’autres instances d’enquête.
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I. LUTTE CONTRE L’IMPUNITÉ: OBLIGATIONS GÉNÉRALES
PRINCIPE 1. OBLIGATIONS GÉNÉRALES POUR LES ÉTATS DE PRENDRE
DES MESURES EFFICACES DE LUTTE CONTRE L’IMPUNITÉ
L’impunité constitue un manquement aux obligations qu’ont les États d’enquêter sur les
violations, de prendre des mesures adéquates à l’égard de leurs auteurs, notamment dans le
domaine de la justice, pour que ceux dont la responsabilité pénale serait engagée soient
poursuivis, jugés et condamnés à des peines appropriées, d’assurer aux victimes des voies de
recours efficaces et de veiller à ce qu’elles reçoivent réparation du préjudice subi, de garantir le
droit inaliénable à connaître la vérité sur les violations et de prendre toutes mesures destinées à
éviter le renouvellement de telles violations.
II. LE DROIT DE SAVOIR
A. Principes généraux
PRINCIPE 2. LE DROIT INALIÉNABLE À LA VÉRITÉ
Chaque peuple a le droit inaliénable de connaître la vérité sur les événements passés
relatifs à la perpétration de crimes odieux, ainsi que sur les circonstances et les raisons qui ont
conduit, par la violation massive ou systématique des droits de l’homme, à la perpétration de ces
crimes. L’exercice plein et effectif du droit à la vérité constitue une protection essentielle contre
le renouvellement des violations.
PRINCIPE 3. LE DEVOIR DE MÉMOIRE
La connaissance par un peuple de l’histoire de son oppression appartient à son patrimoine
et, comme telle, doit être préservée par des mesures appropriées au nom du devoir incombant à
l’État de conserver les archives et les autres éléments de preuve se rapportant aux violations des
droits de l’homme et du droit humanitaire et de contribuer à faire connaître ces violations.
Ces mesures ont pour but de préserver de l’oubli la mémoire collective, notamment pour se
prémunir contre le développement de thèses révisionnistes et négationnistes.
PRINCIPE 4. LE DROIT DE SAVOIR DES VICTIMES
Indépendamment de toute action en justice, les victimes, ainsi que leur famille et leurs
proches, ont le droit imprescriptible de connaître la vérité sur les circonstances dans lesquelles
ont été commises les violations et, en cas de décès ou de disparition, sur le sort qui a été réservé
à la victime.
PRINCIPE 5. GARANTIES DESTINÉES À RENDRE EFFECTIF LE DROIT
DE SAVOIR
Il appartient aux États de prendre les mesures appropriées, y compris les mesures destinées
à assurer l’indépendance et le fonctionnement efficace de la justice, pour rendre effectif le droit
de savoir. Au titre des mesures destinées à garantir ce droit, des procédures non judiciaires
peuvent être menées en complément de l’action des autorités judiciaires. Les sociétés qui ont
connu des crimes odieux à grande échelle ou systématiques peuvent avoir intérêt notamment à ce
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qu’une commission de vérité ou qu’une commission d’enquête soit créée pour établir les
circonstances entourant ces violations afin de faire jaillir la vérité et d’empêcher la disparition
d’éléments de preuve. Qu’il se dote ou non d’un tel organe, un État doit être capable de préserver
les archives relatives aux violations des droits de l’homme et du droit humanitaire et de
permettre l’accès à ces archives.
B. Commissions d’enquête
PRINCIPE 6. ÉTABLISSEMENT ET RÔLE DES COMMISSIONS DE VÉRITÉ
Dans toute la mesure possible, les décisions visant à l’établissement d’une commission de
vérité définissent son mandat et énoncent que sa composition devrait faire l’objet de larges
consultations publiques pour chercher tout spécialement à connaître l’opinion des victimes et des
rescapés. Il conviendrait de veiller tout particulièrement à ce que les hommes et les femmes
participent à ces délibérations sur un pied d’égalité.
Afin de respecter la dignité des victimes et de leur famille, la commission de vérité devrait
mener ses enquêtes en s’attachant notamment à faire prendre conscience de pans de la vérité qui
étaient niés auparavant.
PRINCIPE 7. GARANTIES D’INDÉPENDANCE, D’IMPARTIALITÉ ET DE
COMPÉTENCE
Les commissions d’enquête, notamment les commissions de vérité, doivent être établies en
vertu de procédures qui garantissent leur indépendance, leur impartialité et leur compétence. À
cette fin, le mandat des commissions d’enquête, y compris des commissions à caractère
international, devrait respecter les orientations ci-après:
a) Elles doivent être composées selon des critères rendant sensibles aux yeux de
l’opinion la compétence et l’impartialité de leurs membres, ainsi que leur expertise en matière de
droits de l’homme et, le cas échéant, de droit humanitaire. Elles doivent également être
composées selon des modalités assurant leur indépendance, notamment l’inamovibilité de leurs
membres pendant la durée de leur mandat, sauf pour incapacité ou comportement les rendant
inaptes à exercer leurs fonctions, et en vertu de procédures permettant d’apporter des conclusions
justes, impartiales et indépendantes;
b) Leurs membres bénéficient des privilèges et immunités nécessaires à leur protection,
y compris lorsqu’a cessé leur mission et spécialement à l’égard de toute action en diffamation ou
de toute autre action civile ou pénale qui pourrait leur être intentée sur la base de faits ou
d’appréciations mentionnés dans leurs rapports;
c) Lors de la détermination de leur composition, il conviendrait, par des efforts
concertés, d’assurer une représentation adéquate des femmes et de tout autre groupe approprié
dont les membres ont été particulièrement vulnérables à des violations des droits de l’homme.
PRINCIPE 8. DÉLIMITATION DU MANDAT DES COMMISSIONS
Pour éviter les conflits de compétence, le mandat des commissions doit être clairement
défini et doit respecter le principe selon lequel les commissions d’enquête n’ont pas vocation à se
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substituer à la justice, tant civile ou administrative que pénale. Ainsi, seuls les tribunaux pénaux
sont compétents pour établir la responsabilité individuelle pénale en vue de se prononcer, le cas
échéant, sur la culpabilité puis sur la peine.
En sus des orientations énoncées dans les principes 12 et 13, le mandat d’une commission
d’enquête devrait comporter ou traduire les stipulations suivantes:
a) Le mandat de la commission peut réaffirmer le droit de l’instance: de faire appel, en
cas de besoin, à l’assistance de la force publique, y compris sous réserve du principe 10 a), pour
faire procéder à des comparutions; d’effectuer des visites dans tous lieux concernés par ses
investigations; et/ou d’obtenir la production de pièces pertinentes;
b) Lorsqu’une commission a des raisons de croire que la vie, la santé ou la sécurité
d’une personne concernée par ses investigations est menacée ou qu’il y a risque de perte d’un
élément de preuve, elle peut s’adresser à un tribunal en vue d’obtenir, selon une procédure
d’urgence, une mesure propre à faire cesser cette menace ou ce risque, ou prendre toutes autres
mesures appropriées à cette fin;
c) Les investigations entreprises par une commission d’enquête peuvent porter sur
toutes les personnes visées par des allégations de violation des droits de l’homme et/ou du droit
humanitaire, qu’elles les aient ordonnées ou bien commises, comme auteur ou complice, qu’il
s’agisse, d’une part, d’agents de l’État ou de groupes armés para-étatiques ou privés ayant
un lien quelconque avec l’État ou, d’autre part, de mouvements armés non étatiques.
Les investigations d’une commission d’enquête peuvent également porter sur le rôle joué par
d’autres acteurs en facilitant les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire;
d) Les commissions d’enquête peuvent être compétentes pour connaître de toutes les
formes de violation des droits de l’homme et du droit humanitaire; leurs investigations devraient
porter en priorité sur celles qui constituent des crimes graves selon le droit international,
notamment et particulièrement sur les violations des droits fondamentaux des femmes et d’autres
groupes vulnérables;
e) Les commissions d’enquête doivent s’attacher à sauvegarder les éléments de preuve
dans l’intérêt ultérieur de la justice.
f) Le mandat des commissions d’enquête devrait souligner l’importance de la
préservation des archives des commissions. Dès qu’elles commencent à fonctionner, les
commissions devraient définir clairement les conditions régissant l’accès à leurs documents,
y compris les mesures destinées à prévenir la divulgation d’informations confidentielles dans le
cadre de leur action visant à faciliter l’accès du public à leurs archives.
PRINCIPE 9. GARANTIES CONCERNANT LES PERSONNES MISES EN CAUSE
Avant qu’une commission ne nomme les auteurs de violations dans ses rapports, les
personnes concernées doivent bénéficier des garanties suivantes:
a) La commission doit s’efforcer de corroborer les informations impliquant ces
personnes avant qu’on ne fasse publiquement état de leur identité;
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b) Les personnes impliquées doivent se voir offrir la possibilité de faire valoir leur
version des faits lors d’une déposition organisée par la commission au cours de son enquête ou
par l’envoi d’un document équivalant à un droit de réponse qui sera versé au dossier de la
commission.
PRINCIPE 10. GARANTIES CONCERNANT LES VICTIMES ET LES TÉMOINS
DÉPOSANT EN LEUR FAVEUR
Des mesures efficaces doivent être prises pour assurer la sécurité, le bien-être physique et
psychologique et, le cas échéant, le respect de la vie privée des victimes et des témoins qui
déposent devant la commission.
a) Les victimes et les témoins déposant en leur faveur ne peuvent être appelés à
témoigner devant la commission que sur une base strictement volontaire;
b) Des travailleurs sociaux et/ou des praticiens des soins en santé mentale devraient être
habilités à assister les victimes, de préférence dans leur langue, tant pendant qu’après leur
déposition, spécialement lorsqu’il s’agit d’agressions ou de violences sexuelles;
c) Les dépenses engagées par les auteurs de ces témoignages doivent être prises en
charge par l’État;
d) Les informations susceptibles de révéler l’identité d’un témoin ayant fait une
déposition contre la promesse que ses propos demeureraient confidentiels doivent être gardées
secrètes. Les victimes qui font une déposition et les autres témoins devraient dans tous les cas
être informés des règles qui régiront la divulgation des informations qu’ils ont communiquées à
la commission. Il conviendrait que les demandes de déposition anonyme auprès de la
commission soient étudiées sérieusement, singulièrement dans les cas d’agression ou de
violences sexuelles, et que la commission mette en place des procédures visant à garantir
l’anonymat des dépositions dans certains cas, tout en permettant la corroboration des
informations fournies, autant que de besoin.
PRINCIPE 11. RESSOURCES ADÉQUATES POUR LES COMMISSIONS
Les commissions doivent disposer:
a) De moyens financiers transparents pour éviter que leur indépendance ne soit
suspectée;
b) D’une dotation suffisante en matériel et en personnel pour que leur crédibilité ne
puisse être mise en cause.
PRINCIPE 12. MISSIONS DE CONSEIL DES COMMISSIONS
Les mandats des commissions devraient comprendre des dispositions les invitant à inclure
dans leur rapport final des recommandations relatives aux mesures, d’ordre législatif notamment,
qu’il conviendrait de prendre pour lutter contre l’impunité. Ils devraient comporter des
dispositions visant à garantir que les commissions intègrent des expériences de femmes dans
leurs travaux, y compris dans leurs recommandations. Lors de la création d’une commission
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d’enquête, il conviendrait que l’État accorde toute l’attention voulue aux recommandations des
commissions.
PRINCIPE 13. PUBLICITÉ DES RAPPORTS DES COMMISSIONS
Pour des raisons de sécurité ou pour éviter les pressions sur les témoins et les membres des
commissions, les mandats de ces dernières peuvent prévoir que certains volets de l’enquête
seront soumis à la confidentialité. En revanche, le rapport final des commissions doit être
intégralement rendu public et faire l’objet de la diffusion la plus large.
C. La préservation et l’accès aux archives permettant d’établir les violations
PRINCIPE 14. MESURES DE PRÉSERVATION DES ARCHIVES
Le droit de savoir implique que soient préservées les archives. Des mesures techniques et
des sanctions pénales devraient être prises pour s’opposer à la soustraction, la destruction, la
dissimulation ou la falsification des archives, notamment dans le but d’assurer l’impunité
d’auteurs de violations des droits de l’homme et/ou du droit humanitaire.
PRINCIPE 15. MESURES FACILITANT L’ACCÈS AUX ARCHIVES
L’accès aux archives doit être facilité dans l’intérêt des victimes et de leurs proches pour
faire valoir leurs droits.
Il en est de même, en tant que de besoin, pour les personnes mises en cause qui le
demandent en vue d’assurer leur défense.
L’accès aux archives devrait également être facilité dans l’intérêt de la recherche
historique, sous certaines restrictions raisonnables visant à préserver la vie privée et la sécurité
des victimes et d’autres personnes. Les formalités d’autorisation régissant l’accès ne peuvent
cependant pas être détournées à des fins de censure.
PRINCIPE 16. COOPÉRATION DES SERVICES D’ARCHIVES AVEC LES
TRIBUNAUX ET LES COMMISSIONS NON JUDICIAIRES
D’ENQUÊTE
Les tribunaux et les commissions non judiciaires d’enquête, ainsi que les enquêteurs
travaillant sous leur responsabilité, doivent avoir accès aux archives pertinentes. Ce principe doit
être appliqué de façon à respecter les obligations qui conviennent en matière de respect de la vie
privée, particulièrement les garanties de confidentialité données à des victimes ou à des témoins
comme condition préalable à leur témoignage. L’accès ne peut être refusé pour des raisons de
sûreté nationale à moins que, dans des circonstances exceptionnelles, cette restriction ait été
prévue par la loi, que l’État ait démontré que cette restriction était nécessaire dans une société
démocratique pour protéger un aspect légitime de la sûreté nationale et que le refus fasse l’objet
d’un contrôle judiciaire indépendant.
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PRINCIPE 17. MESURES SPÉCIFIQUES CONCERNANT LES ARCHIVES À
CARACTÈRE NOMINATIF
a) Sont réputées nominatives, au sens du présent principe, les archives contenant des
informations qui permettent, directement ou indirectement, l’identification des personnes
auxquelles elles se rapportent.
b) Toute personne a le droit de savoir si elle figure dans les archives publiques et, le cas
échéant, après avoir usé de son droit d’accès, de contester le bien-fondé des informations la
concernant en exerçant un droit de réponse. Le document contesté devrait comporter un renvoi
au document qui en conteste la validité et, chaque fois que l’accès au premier est demandé, le
second doit être également fourni. L’accès aux dossiers des commissions d’enquête doit
répondre aux attentes légitimes de confidentialité des victimes et des témoins déposant en leur
faveur, conformément aux principes 8 f) et 10 d).
PRINCIPE 18. MESURES SPÉCIFIQUES RELATIVES AUX PROCESSUS DE
RÉTABLISSEMENT DE LA DÉMOCRATIE ET/OU DE LA
PAIX OU DE TRANSITION VERS CELLES-CI
a) Des mesures devraient être prises pour que chaque centre d’archives soit placé sous
la responsabilité d’un service expressément désigné;
b) Lors de l’inventaire et de la vérification de la fiabilité des archives stockées, une
attention toute particulière devrait être apportée aux archives concernant les lieux de détention et
autres lieux où ont été commises de graves violations des droits de l’homme et/ou du droit
humanitaire, comme la torture, en particulier lorsqu’ils n’avaient pas d’existence officielle;
c) Les pays tiers se doivent de coopérer en vue de la communication ou de la restitution
d’archives aux fins d’établissement de la vérité.
III. LE DROIT À LA JUSTICE
A. Principes généraux
PRINCIPE 19. DEVOIRS DES ÉTATS DANS LE DOMAINE DE
L’ADMINISTRATION DE LA JUSTICE
Les États doivent mener rapidement des enquêtes approfondies, indépendantes et
impartiales sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire et
prendre des mesures adéquates à l’égard de leurs auteurs, notamment dans le domaine de la
justice pénale, pour que les responsables de crimes graves selon le droit international soient
poursuivis, jugés et condamnés à des peines appropriées.
Si l’initiative des poursuites relève en premier lieu des missions de l’État, les victimes, leur
famille et leurs héritiers devraient pouvoir eux-mêmes en être à l’origine, individuellement ou
collectivement, notamment en se constituant parties civiles ou par voie de citation directe dans
les États où cette procédure est reconnue par le Code de procédure pénale. Les États devraient
garantir une qualité pour agir générale à toute partie lésée et à toute personne ou organisation
non gouvernementale y ayant un intérêt légitime.
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B. Répartition des compétences entre les juridictions nationales, étrangères,
internationales et internationalisées
PRINCIPE 20. COMPÉTENCE DES TRIBUNAUX PÉNAUX INTERNATIONAUX
ET INTERNATIONALISÉS
La compétence première des États en matière de crimes graves selon le droit international
demeure la règle. La compétence concurrente des tribunaux pénaux internationaux ou
internationalisés peut être retenue, en fonction de leur mandat, lorsque les tribunaux nationaux ne
présentent pas de garanties suffisantes d’indépendance et d’impartialité, sont dans l’impossibilité
matérielle de mener des enquêtes ou des poursuites efficaces ou n’en ont pas la volonté.
Les États doivent s’assurer qu’ils satisfont totalement à leurs obligations légales au regard
des tribunaux pénaux internationaux et internationalisés, notamment en se dotant le cas échéant
d’une législation interne qui leur permette de satisfaire aux obligations découlant de leur
adhésion au Statut de Rome de la Cour pénale internationale ou à d’autres instruments
contraignants, et en satisfaisant aux obligations qui leur incombent d’appréhender et de livrer
des suspects ainsi que de coopérer en matière de preuve.
PRINCIPE 21. MESURES DESTINÉES À RENFORCER L’EFFICACITÉ DES
CLAUSES CONVENTIONNELLES DE COMPÉTENCE
UNIVERSELLE ET INTERNATIONALE
Les États devraient prendre des mesures efficaces, notamment adopter une législation
interne ou la modifier, pour permettre aux tribunaux d’exercer la compétence universelle en
matière de crimes graves selon le droit international, conformément aux principes du droit
coutumier et du droit conventionnel qui s’appliquent.
Les États doivent veiller à satisfaire totalement aux obligations légales qui leur incombent
dans le cadre des poursuites pénales menées à l’encontre de personnes dont la responsabilité
individuelle est engagée pour des crimes graves selon le droit international en vertu de fortes
présomptions s’ils n’extradent ni ne transfèrent les suspects afin qu’ils soient poursuivis devant
un tribunal international ou internationalisé.
C. Mesures restrictives apportées à certaines règles de droit et qui sont
justifiées par la lutte contre l’impunité
PRINCIPE 22. NATURE DES MESURES À PRENDRE
Les États devraient adopter et appliquer des garanties contre toute déviation de règles telles
que celles qui ont trait à la prescription, à l’amnistie, au droit d’asile, au refus d’extradition, au
principe non bis in idem, à l’obéissance due, aux immunités officielles, aux législations sur les
«repentis», à la compétence des tribunaux militaires ainsi qu’au principe d’inamovibilité des
juges de nature à favoriser l’impunité ou à y contribuer.
PRINCIPE 23. RESTRICTIONS À LA PRESCRIPTION
La prescription pénale, tant en ce qui concerne les poursuites que la peine, ne peut courir
pendant la période où il n’existe pas de recours efficace.
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Elle n’est pas applicable aux crimes graves selon le droit international qui sont par nature
imprescriptibles.
Lorsqu’elle s’applique, la prescription n’est pas opposable aux actions civiles ou
administratives exercées par les victimes en réparation de leur préjudice.
PRINCIPE 24. RESTRICTIONS ET AUTRES MESURES RELATIVES
À L’AMNISTIE
Y compris lorsqu’elles sont destinées à créer des conditions propices à un accord de paix
ou à favoriser la réconciliation nationale, l’amnistie et les autres mesures de clémence doivent
être contenues dans les limites suivantes:
a) Les auteurs des crimes graves selon le droit international ne peuvent bénéficier de
telles mesures tant que l’État n’a pas satisfait aux obligations énumérées au principe 19 ou qu’ils
n’ont pas été poursuivis par un tribunal international, internationalisé ou national compétent
hors de l’État en question;
b) Les amnisties et autres mesures de clémence sont sans effet sur le droit à réparation
de la victime mentionné dans les principes 31 à 34, et ne doivent pas porter atteinte au droit de
savoir;
c) En tant qu’elle peut être interprétée comme un aveu de culpabilité, l’amnistie ne peut
être imposée aux personnes poursuivies ou condamnées pour des faits survenus à l’occasion de
l’exercice pacifique du droit à la liberté d’opinion et d’expression. Lorsqu’elles n’ont fait
qu’exercer ce droit légitime, tel que garanti par les articles 18 à 20 de la Déclaration universelle
des droits de l’homme, et 18, 19, 21 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, une loi doit réputer nulle et non avenue à leur égard toute décision de justice ou autre
les concernant; il est mis fin sans condition ni délai à leur détention;
d) Toute personne condamnée pour des infractions autres que celles prévues à l’alinéa c
du présent principe et entrant dans le champ d’application de l’amnistie peut la refuser et
demander la révision de son procès si elle a été jugée sans bénéficier du droit à un procès
équitable garanti par les articles 10 et 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme,
ainsi que par les articles 9, 14 et 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
ou si elle a été condamnée sur la base d’une déclaration dont il a été établi qu’elle résulte
d’interrogatoires inhumains ou dégradants, spécialement d’actes de torture.
PRINCIPE 25. PRESTRICTIONS AU DROIT D’ASILE
En application de l’article 1, paragraphe 2, de la Déclaration sur l’asile territorial adoptée
par l’Assemblée générale le 14 décembre 1967 et de l’article 1 F de la Convention relative au
statut des réfugiés du 28 juillet 1951, les États ne peuvent faire bénéficier de ces statuts
protecteurs, y compris de l’asile diplomatique, les personnes dont on a des motifs sérieux de
croire qu’elles sont les auteurs de crimes graves selon le droit international.
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PRINCIPE 26. RESTRICTIONS À L’EXTRADITION/NON BIS IN IDEM
a) Les auteurs de crimes graves selon le droit international ne peuvent, dans le but
d’éviter leur extradition, se prévaloir des dispositions favorables généralement attachées aux
infractions à caractère politique, ni au principe de non-extradition des nationaux. Toutefois,
l’extradition devrait toujours être refusée, spécialement par les pays abolitionnistes, lorsque la
personne concernée encourt effectivement la peine de mort dans le pays requérant. L’extradition
devrait également être refusée lorsqu’il existe de fortes raisons de penser que le suspect pourrait
courir le risque d’être victime de violations flagrantes des droits de l’homme, telles que la
torture, les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires. En cas
de refus d’extradition pour ces motifs, l’État requis doit soumettre l’affaire aux autorités
compétentes de son pays afin qu’elles l’instruisent.
b) Le fait qu’une personne ait déjà été jugée relativement à un crime grave selon le droit
international n’empêche pas qu’elle soit poursuivie pour les mêmes faits si la première procédure
avait pour but de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale ou si elle n’a pas été
au demeurant menée de manière indépendante ou impartiale, dans le respect des garanties
prévues par le droit international, mais d’une manière qui, dans les circonstances, démentait
l’intention de traduire l’intéressé en justice.
PRINCIPE 27. RESTRICTIONS AUX JUSTIFICIATIONS POUVANT ÊTRE
LIÉES À L’OBÉISSANCE DUE, À LA RESPONSABILITÉ
HIÉRARCHIQUE ET À LA QUALITÉ OFFICIELLE DE
L’AUTEUR DES FAITS
a) Le fait, pour l’auteur des violations, d’avoir agi sur ordre de son gouvernement ou
d’un supérieur hiérarchique, ne l’exonère pas de sa responsabilité, notamment pénale, mais peut
être considéré comme un motif de diminution de la peine si cela est conforme à la justice.
b) Le fait que les violations aient été commises par un subordonné n’exonère pas ses
supérieurs de leur responsabilité, notamment pénale, s’ils savaient ou avaient des raisons de
savoir, dans les circonstances du moment, que ce subordonné commettait ou allait commettre un
tel crime et s’ils n’ont pas pris toutes les mesures nécessaires en leur pouvoir pour empêcher ou
réprimer ce crime.
c) La qualité officielle de l’auteur d’un crime selon le droit international, même s’il agit
en qualité de chef d’État ou de gouvernement, ne l’exonère pas de sa responsabilité, notamment
pénale, et n’est pas un motif de diminution de la peine.
PRINCIPE 28. RESTRICTIONS AUX EFFETS DES LOIS SUR LA DIVULGATION
D’INFORMATIONS OU SUR LE REPENTIR
Le fait que l’auteur révèle ses propres violations ou celles commises par d’autres en vue de
bénéficier des dispositions favorables des législations relatives à la divulgation d’informations ou
au repentir ne peut l’exonérer de sa responsabilité, notamment pénale. Cette révélation peut
seulement être une cause de diminution de la peine afin de favoriser la manifestation de la vérité.
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Lorsque, pour avoir fait ces révélations, leur auteur risque d’être persécuté, il peut, par
dérogation au principe 25, se voir accorder l’asile et non le statut de réfugié afin de faciliter
la manifestation de la vérité.
PRINCIPE 29. RESTRICTIONS À LA COMPÉTENCE DES TRIBUNAUX
MILITAIRES
La compétence des tribunaux militaires doit être limitée aux seules infractions
spécifiquement militaires commises par des militaires, à l’exclusion des violations des droits de
l’homme qui relèvent de la compétence des juridictions ordinaires internes ou, le cas échéant,
s’agissant de crimes graves selon le droit international, d’une juridiction pénale internationale ou
internationalisée.
PRINCIPE 30. RESTRICTIONS AU PRINCIPE DE L’INAMOVIBILITÉ
DES JUGES
Le principe d’inamovibilité, garantie essentielle de l’indépendance des juges, doit être
respecté à l’égard des magistrats qui ont été nommés selon une procédure conforme aux
prescriptions d’un état de droit. En revanche, ceux qui ont été désignés illégitimement ou qui ont
tiré leur pouvoir juridictionnel d’un acte d’allégeance peuvent être démis de leurs fonctions par
la loi en application du principe du parallélisme des formes. Ils doivent toutefois avoir la
possibilité de s’opposer à leur destitution dans des procédures offrant des garanties
d’indépendance et d’impartialité, en vue de solliciter leur réintégration.
IV. LE DROIT À RÉPARATION/GARANTIES DE NON-RENOUVELLEMENT
A. Le droit à réparation
PRINCIPE 31. DROITS ET DEVOIRS NÉS DE L’OBLIGATION DE RÉPARER
Toute violation d’un droit de l’homme fait naître un droit à réparation en faveur de la
victime ou de ses ayants droit qui implique, à la charge de l’État, le devoir de réparer et la faculté
de se retourner contre l’auteur.
PRINCIPE 32. PROCÉDURES DE RECOURS EN RÉPARATION
Que ce soit par la voie pénale, civile, administrative ou disciplinaire, toute victime doit
avoir la possibilité d’exercer un recours aisément accessible, prompt et efficace, comportant les
restrictions apportées à la prescription par le principe 23; elle doit bénéficier, dans l’exercice de
ce recours, d’une protection contre les intimidations et représailles.
La réparation peut aussi être octroyée au moyen de programmes fondés sur des mesures
législatives ou administratives, financés par des sources nationales ou internationales et destinés
à certaines personnes et communautés. L’exercice du droit à réparation inclut l’accès aux
procédures internationales et régionales applicables. Les victimes et d’autres acteurs de la société
civile devraient jouer un rôle important dans la conception et la mise en uvre de ces
programmes. Par des efforts concertés, il devrait être possible d’assurer la participation des
femmes et de groupes minoritaires aux consultations publiques visant à concevoir, appliquer et
évaluer les programmes de réparation.
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PRINCIPE 33. PUBLICITÉ DES PROCÉDURES DE RÉPARATION
Les procédures ad hoc permettant aux victimes d’exercer leur droit à réparation font l’objet
de la publicité la plus large possible, y compris par des moyens de communication privés.
Cette diffusion doit être assurée tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, y compris par la voie
consulaire, spécialement dans les pays où ont dû s’exiler de nombreuses victimes.
PRINCIPE 34. CHAMP D’APPLICATION DU DROIT À RÉPARATION
Le droit à réparation doit couvrir l’intégralité des préjudices subis par la victime; il
comprend des mesures relatives à la restitution, à l’indemnisation, à la réadaptation et des
mesures satisfactoires conformément au droit international.
Dans les cas de disparitions forcées, la famille de la victime directe a le droit
imprescriptible d’être informée du sort et/ou du lieu où se trouve la personne disparue et, en cas
de décès, le corps doit lui être restitué dès son identification, que les auteurs aient ou non été
identifiés ou poursuivis.
B. Garanties de non-renouvellement des violations
PRINCIPE 35. PRINCIPES GÉNÉRAUX
Les États doivent veiller à ce que les victimes ne puissent de nouveau subir des violations
de leurs droits. À cette fin, ils doivent entreprendre des réformes institutionnelles et prendre les
mesures qui s’imposent pour garantir le respect de l’état de droit, susciter et entretenir une
culture du respect des droits de l’homme, et rétablir ou instaurer la confiance de la population
dans ses institutions publiques. Une représentation adéquate des femmes et des groupes
minoritaires dans ces institutions est essentielle pour atteindre ces objectifs. Des réformes
institutionnelles visant à prévenir tout renouvellement des violations devraient être mises en
place grâce à de vastes consultations publiques, auxquelles participeraient les victimes et
d’autres acteurs de la société civile.
Ces réformes devraient poursuivre les objectifs suivants:
a) Respect constant de l’état de droit par les institutions publiques;
b) Abrogation des lois qui favorisent ou autorisent les violations des droits de l’homme
et/ou du droit humanitaire et adoption de mesures, notamment législatives, visant à garantir le
respect des droits de l’homme et du droit humanitaire, y compris de mesures qui protègent les
institutions et processus démocratiques;
c) Exercice d’un contrôle civil sur les forces militaires et de sécurité ainsi que sur les
services de renseignements et dissolution des groupements armés paraétatiques;
d) Réintégration sociale des enfants entraînés dans des conflits armés.
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PRINCIPE 36. RÉFORME DES INSTITUTIONS DE L’ÉTAT
Les États doivent prendre toutes les mesures nécessaires, y compris entreprendre des
réformes législatives et administratives, pour faire en sorte que les institutions publiques soient
organisées de sorte à respecter l’état de droit et protéger les droits de l’homme. Il s’agirait, au
minimum, de prendre les dispositions suivantes:
a) Les fonctionnaires et les agents de l’État qui sont personnellement responsables de
violations flagrantes des droits de l’homme, en particulier ceux de l’armée, des services de
sécurité, de la police, des services de renseignements et du corps judiciaire, ne doivent plus
exercer leurs fonctions au sein des institutions de l’État. Leur révocation doit offrir les garanties
d’une procédure régulière et respecter le principe de non-discrimination. Les personnes
formellement accusées et dont la responsabilité individuelle est engagée pour crimes graves
selon le droit international doivent être relevées de leurs fonctions officielles le temps de la
procédure pénale ou disciplinaire;
b) En ce qui concerne l’appareil judiciaire, les États doivent prendre toutes les mesures
qui s’imposent pour veiller à l’indépendance, à l’impartialité et au fonctionnement efficace des
tribunaux conformément aux normes internationales garantissant la régularité des procédures.
Le principe de l’habeas corpus, quel que soit le nom qu’il revêt, doit être considéré comme un
droit auquel il ne peut être dérogé;
c) Il doit être exercé un contrôle civil sur les forces militaires et de sécurité, ainsi que
sur les services de renseignements; le cas échéant, ce contrôle doit être instauré ou rétabli. À
cette fin, les États devraient mettre en place des institutions civiles efficaces de contrôle des
forces militaires et de sécurité, ainsi que des services de renseignements, notamment des organes
législatifs de supervision;
d) Des procédures de dépôt des plaintes civiles devraient être mises en place et leur
fonctionnement efficace assuré;
e) Il conviendrait que les fonctionnaires et les agents de l’État, en particulier ceux de
l’armée, des services de sécurité, de la police, des services de renseignements et du corps
judiciaire, reçoivent une formation complète et continue aux droits de l’homme et, s’il y a lieu,
aux normes applicables en matière de droit international et à leur application.
PRINCIPE 37. DISSOLUTION DES GROUPEMENTS ARMÉS PARAÉTATIQUES/
DÉMOBILISATION ET RÉINTÉGRATION SOCIALE DES
ENFANTS
Les groupements armés paraétatiques ou non officiels doivent être démobilisés et dissous.
Leur situation au sein des institutions de l’État, en particulier l’armée, la police, les services de
renseignements et les forces de sécurité ou leurs liens avec celles-ci devraient faire l’objet
d’enquêtes approfondies, dont les résultats devraient être rendus publics. Il incombe aux États de
concevoir des plans de reconversion afin d’assurer la réintégration des membres de ces groupes
dans la société.
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Des mesures devraient être prises pour mettre en place une coopération avec les pays tiers
susceptibles d’avoir contribué à la création et au développement de ces groupes, notamment en
les finançant ou en leur apportant un appui logistique.
Les enfants ayant été enrôlés ou utilisés dans des hostilités doivent être démobilisés ou de
quelque autre manière libérés des obligations militaires. Si nécessaire, les États accordent à ces
enfants toute l’assistance appropriée en vue de leur réadaptation physique et psychologique et de
leur réinsertion sociale.
PRINCIPE 38. RÉFORME DES LOIS ET DES INSTITUTIONS CONTRIBUANT
À L’IMPUNITÉ
Les lois, réglementations administratives et institutions qui contribuent aux violations des
droits de l’homme ou les légitiment doivent être abrogées ou abolies. En particulier, les
législations et les juridictions d’exception, quelles qu’elles soient, doivent être abrogées ou
abolies si elles portent atteinte aux libertés et droits fondamentaux tels que garantis par la
Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques. Les mesures législatives nécessaires à la protection des droits de l’homme et à la
sauvegarde des institutions et des processus démocratiques doivent être adoptées.
Afin de jeter les bases de ces réformes, pendant les périodes de rétablissement de la
démocratie ou de la paix et/ou de transition vers celles-ci, les États devraient revoir de fond en
comble leur législation et leur réglementation administrative.
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